• Le 13 - 07 - 2013

    La giroflée des murailles

    Dans mon jardin - La giroflée des murailles

     

     

     

    Ma chaumière

    Ma chaumière aurait, l'été, la feuillée des bois pour
    parasol, et l'automne, pour jardin, au bord de la fenêtre,
    quelque mousse qui enchâsse les perles de la pluie, et
    quelque giroflée qui fleure l'amande.

    Mais l'hiver, - quel plaisir, quand le matin aurait secoué
    ses bouquets de givre sur mes vitres gelées, d'apercevoir
    bien loin, à la lisière de la forêt, un voyageur qui va
    toujours s'amoindrissant, lui et sa monture, dans la neige
    et la brume !

    Quel plaisir, le soir, de feuilleter, sous le manteau de
    la cheminée flambante et parfumée d'une bourrée de geniè-
    vre, les preux et les moines des chroniques, si merveil-
    leusement portraits qu'ils semblent, les uns jouter, les
    autres prier encore !

    Et quel plaisir, la nuit, à l'heure douteuse et pâle, qui
    précède le point du jour, d'entendre mon coq s'égosiller
    dans le gelinier et le coq d'une ferme lui répondre faible-
    ment, sentinelle juchée aux avant-postes du village endormi.,

    Ah ! si le roi nous lisait dans son Louvre, - ô ma muse
    inabritée contre les orages de la vie ! - le seigneur
    suzerain de tant de fiefs qu'il ignore le nombre de ses
    châteaux ne nous marchanderait pas une chaumine !

    Aloysius BERTRAND (1807-1841)

     

     


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